CES PETITS BOUTS DE TOI

Aujourd’hui, Papé, nous te célébrons, non sans émotion.
C’est une de ces curieuses célébrations où il est permis de pleurer et où les larmes deviennent un réel réconfort puisque l’on pleure d’avoir tant aimé. Alors, après l’émotion et les larmes, resteront les souvenirs à chérir et le plaisir rassurant de continuer à former une famille, ta famille, car en chacun de nous, tu as laissé un peu de toi.

À certains tu as appris à reconnaître les plantes, les oiseaux, les champignons et à observer la nature dans ses plus petits détails.
À d’autres, tu as transmis le goût de l’effort et le plaisir du sport avec en tête de liste le basket et le rugby qui restent deux grands favoris dans notre famille.
À tes côtés, on a découvert l’art de la photographie. En t’observant on a alors appris la patience qu’il faut pour saisir la bonne lumière et les heures nécessaires pour retoucher les photos, sans exagérer, tout en subtilité.

Année après année, tu as supervisé chaque cahier de vacances, vérifié chacun de nos calculs, relu chacun de nos exposés. Puis, tu nous as initié au plaisir agaçant des mots croisés. Ainsi, en t’imitant, on a appris à chercher, questionner, vérifier et à toujours aiguiser un peu plus notre curiosité. Tu nous as enseigné la rigueur et la concentration pour réussir à tirer à la carabine. A tes côtés, on a appris le sang-froid nécessaire pour pouvoir s’approcher des ruches avec calme.
Tu es celui qui a appris à conduire à chacun de tes petits-enfants, avec, il est vrai, plus ou moins de succès selon les recrues de l’année.

Avec toi Papé, on a découvert la saveur unique des fruits mangés au pied de l’arbre : cerises, figues, raisins, jujubes, nèfles et abricots ont toujours été plus juteux et sucrés à tes côtés.
Nos estomacs sensibles se souviennent aussi de tous de tes petits déjeuners hauts en couleurs et en saveurs : olives, saucisson, pâté, café, confiture, roquefort ! Une véritable cérémonie méthodiquement orchestrée sous nos regards amusés.

En chacun de nous, Papé, résonnent les notes de ton accent si charmant et de ton phrasé si rassurant.
Parmi les quelques rudiments de patois que tu nous as transmis, chacun de nous a ses petits mots favoris. Alors, quand l’occasion se présente, on prend plaisir à sortir nos plus belles expressions de patois, maladroitement sans doute, en les écorchant sûrement, mais avec toujours autant de fierté.

Papé, dans nos souvenirs, tu resteras celui qui donnait rarement son avis, mais dont l’avis comptait pourtant aux yeux de tous. Par tes idées, tu imposais le respect, car ton opinion était toujours teintée d’un profond sens de la justice.

Grâce à ces graines que tu as si délicatement semées, il y a désormais dans notre famille des petits bouts de toi : des amoureux de la nature et des belles idées, des enseignants, des bricoleurs, des sportifs, des créatifs…

« Et bé moun viel, c’est pas bientôt terminé ? »
Voilà ce que tu me dirais si tu m’entendais dire mon petit récit. La vérité, Papé, c’est que tu nous as tellement transmis, que des anecdotes on en aurait des milliers à raconter. Et des souvenirs à chérir, nous en avons pour toute une vie.

Pour toute une vie, Pardi !